Voici l’histoire inspirante de Donavan Lauzon, relève acéricole qui a fait un retour à la terre à travers un parcours professionnel hors du cadre agricole.
Je m’appelle Donavan et j’exploite depuis 4 ans l’érablière familiale Sucres St-Joachim à Mirabel. Comme plusieurs lecteurs de La Terre, j’ai été élevé en milieu rural. Mes parents ont pris le relais de feu mon grand-père en exploitant la ferme laitière et les terres agricoles de ce dernier. Faire les foins, conduire des tracteurs bien avant 16 ans, les fêtes champêtres, se faire écœurer au secondaire parce que tu sens drôle, être incapable de s’attacher à des chats parce qu’ils finissent inévitablement par disparaître, je connais ça.
Trouver ses centres d’intérêts
Le monde agricole ne m’interpelait pas particulièrement à l’adolescence ni dans ma début vingtaine. Je voulais voir du monde, vivre des expériences et arrêter d’être loin de tout. J’ai fait mes études à Montréal et j’en ai profité à fond. Je me suis fait un solide réseau dans mon parcours universitaire et dans mes différents emplois. Je travaille maintenant depuis presque 10 ans comme intervenant en dépendances.
S’ancrer dans le bois
Les bons restaurants, les spectacles, le nightlife c’est bien divertissant. Mais plus je gagnais en âge, plus je ressentais le besoin de m’ancrer dans quelque chose de plus concret. Je savais qu’au fond des terres à la maison, il y avait une érablière que mon père louait à un voisin. 1300 entailles. Rien d’immense, mais suffisamment pour que ça devienne un projet. Un projet qui à un certain point, s’est transformé en mission. Il était devenu primordial que je réussisse à exploiter ce bout de forêt. Le but était de revaloriser cet endroit qui m’était jusque-là inconnu, mais qui fait partie des terres de la ferme. Je connais maintenant le boisé dans ses moindres racoins.
S’entourer pour apprendre
Avant de me lancer, j’ai été apprendre à entailler avec des amis de la famille qui m’ont tout montré. Le processus de confection du sirop dans son ensemble a quelque chose de mystique. J’ai été bien atteint par l’obsession acéricole. Certains la décrivent littéralement comme une maladie. Si vous en êtes atteints, vous savez de quoi je parle. L’année suivante, on brisait l’entente informelle avec le voisin et c’est moi qui reprenais l’exploitation de l’érablière. Aidé par ma famille, nous avons réussi à faire une bonne saison et à repayer la tubulure qui avait déjà été installée. Les apprentissages et les écueils furent nombreux. La deuxième année, j’ai fait bouillir mon eau d’érable chez mes mentors (Salut Sucrerie Belle-Rivière!). Le transport de l’eau représentait tout un défi logistique et je rêvais fort d’avoir ma propre cabane à sucre.
Dans un élan de motivation et d’empressement sans pareil, j’ai multiplié les démarches et les demandes de financement pour faire construire la cabane. En parallèle, je complète un DEP à distance en acériculture avec une professeure à Pohénégamook. Je travaille à temps plein, j’habite en appart à Montréal, je n’ai pas de maison. Toute mon énergie et mes économies depuis 2 ans vont vers la cabane à sucre. Passionné, mais aussi un peu fou. 2020, ma troisième année, a été la plus exigeante. L’achat d’équipement, piloter le projet de construction, apprendre à bouillir sur le tas, comprendre l’osmose et bien évidemment, la pandémie. J’ai testé les limites de mon corps et de mon cerveau. Je me suis brûlé, comme mes belles pannes neuves d’ailleurs.
Persévérer pour atteindre ses objectifs
Je ne me suis pas laissé abattre. Au contraire, tout restait à faire dans la cabane à sucre pour la rendre fonctionnelle, confortable et belle pour les yeux. Plier de la tôle, poser du revêtement, isoler, peinturer, brancher des affaires, clouer, visser, mesurer, couper, se tromper, recommencer. C’était l’année de l’action. La cabane a pris forme, plus les mois avançaient, plus ça ressemblait à ce que j’avais en tête. Notre saison de cette année s’est mieux déroulée avec plus d’aisance, moins d’angoisse, mieux installé. Le sirop goûte très bon, mais on veut toujours en faire plus. L’évaporateur a soif. Je vends toute ma production en vente directe et les clients sont au rendez-vous.
Préparer la suite
Les prochaines étapes seront d’ouvrir le côté réception à la location. Compléter l’enregistrement de l’entreprise, aller chercher mes cartes de producteur et faire une comptabilité en bonne et due forme. On optimise, on améliore, on salie, on nettoie, on brise, on répare. Je rêve du jour où je vais avoir fini, mais je sais que je me fais des accroires en me disant que ça va réellement arriver. Sur un aussi grand terrain, il y a toujours quelque chose à faire.
Découvrir ses capacités et sa communauté
Avec le recul, ce projet m’a permis d’en apprendre énormément. Sur moi certes, mais j’ai aussi acquis plein de nouvelles compétences qui vont me servir pour le reste de mes jours. Les agriculteurs ne sont peut-être pas les meilleurs pour exprimer le fond de leur pensée, mais ils sont les plus efficaces quand vient le temps de trouver des solutions à des problèmes. Il y a réellement une forme de soutien et d’entraide dans cette communauté. L’empathie, le partage des connaissances et d’équipement est bien réel.
Un projet rassembleur
L’aspect social du projet Les Sucres St-Joachim est non négligeable. J’ai sollicité beaucoup d’aide de mes amis et de ma famille et les gens ont répondu à l’appel. Ma gratitude vis-à-vis tous ces gens est immense. J’ai essayé le plus possible d’engager des gens de mon entourage pour la construction de la cabane. J’espère qu’elle deviendra un pôle de rassemblement pour ceux que j’apprécie. Encore une fois, rien de tout cela ne serait possible sans mes parents. Des fois, ils me regardent avec un air incertain, mais je sais qu’ils me font confiance.
Je me sens extrêmement privilégié d’avoir cette opportunité de revenir sur la terre et d’avoir accès à autant d’espace. Je suis conscient que plusieurs personnes paieraient cher pour se retrouver dans la même situation. Je suis sensible aux enjeux d’accès aux terres pour la relève, à l’étalement urbain, à l’autonomie alimentaire. Je m’intéresse aux circuits courts, au maraîchage bio-intensif, à la permaculture, à la santé des sols. J’imagine que la ruralité ne m’a jamais vraiment quitté. Elle revient juste sous une différente forme.
J’ai entamé un long et lent virage vers l’agriculture. J’aspire à un jour en vivre. J’assume progressivement cette facette de ma vie. Je pense que beaucoup de jeunes ont de bonnes idées et faim pour du changement. J’aimerais vraiment que l’agriculture prenne plus de place dans le débat public. Pour toutes ces raisons, je souhaite m’impliquer de plus en plus dans cette belle communauté. Mon frère m’a fait signer ma carte de la FRAQ. Je lui ai dit que j’embarquais juste pour avoir un tshirt en lui faisant un clin d’œil. 😉
Auteur : Donavan Lauzon, Les Sucres de Joachin,
Mirabel, membre du SRALO