Ce devait être un dimanche tranquille, le 23 novembre dernier, mais sur l’heure du dîner, les nouvelles du midi ont eu l’effet d’un coup de masse : on propose d’abolir les mesures de soutien du revenu agricole, la fameuse ASRA. Je sais que les finances de l’État exigent des coupures, pour les générations futures nous dit-on… mais avec une telle mesure, on amputerait gravement l’agriculture, avec des impacts irréversibles sur notre modèle agricole et dans nos régions. Je sais aussi que depuis cet annonce les ministres Paradis et Coiteux se sont voulus rassurants et ont quelque peu discrédité le rapport Robillard. Mais la vigilance est de mise et je veux tout de même vous partager ma réflexion.

En 2011, le ministère de l’Agriculture a réalisé un portrait sur la relève agricole. Voyez comme il est intéressant de constater que les protections que nous avons au Québec ne sont pas étrangères aux chiffres de ce portrait. Et si les aides de soutien étaient plutôt un investissement pour la société québécoise?

Au Québec, on parle souvent du manque de relève agricole. Et bien, si on se compare au reste du Canada, les entreprises agricoles sont relativement bien choyées. Dans la belle province, il y aurait 22 % des entreprises avec une relève identifiée, ce qui la place première au pays. C’est bien peu vous trouvez? Notre province voisine, l’Ontario, est à 16 %, tandis que la Colombie-Britannique est la plus mal placée à 12 %.

Un autre aspect frappant dans l’étude est le renouvellement des générations. La moyenne d’âge des exploitants est de 51 ans, comparativement à 54 ans pour l’ensemble du Canada. Pour avoir un tel résultat, nous avons un taux de renouvellement des producteurs de 45 %, tandis qu’en Colombie-Britannique, il est de 19 %.

Chaque année, nous avons près de 1 000 diplômés en agriculture, tous diplômes confondus. Tous n’ont pas le projet de s’établir en agriculture, mais ils ont une passion commune pour ce secteur d’activité : ils y croient et y voient un avenir professionnel épanouissant. En 2011, 41 % des jeunes qui se sont établis ont choisi une production qui est sous ASRA, leur offrant une certaine sécurité face à la vulnérabilité de ces productions.

Pourquoi avoir lancé autant de chiffres? Pour vous démontrer que nous avons la chance au Québec d’avoir des jeunes comme nous qui se lancent en affaires avec des productions diversifiées et surtout dans toutes les régions du Québec. En effet, pourquoi y a-t-il encore de l’agriculture dans la Côte-Nord, en Abitibi ou même en Gaspésie? Parce qu’il y a un système qui protège le revenu des producteurs et minimise les risques et aléas de ce secteur économique. Avec l’ASRA, les Québecois se donne la chance d’avoir de jeunes entrepreneurs en région, plutôt que de favoriser de grosses entreprises centralisées. Peut-être que le Québec est la province qui soutient le plus les agriculteurs, mais c’est aussi la province la plus pérenne en terme d’agriculture!

Il faut voir les fruits de l’agriculture comme une ressource naturelle renouvelable qui peut relancer l’économie. Quand on exploite une mine, que reste-t-il à la fin de l’exploitation? Nous, nous cultivons depuis 300 ans. Grâce au soutien de notre agriculture nordique, nous pourrons le faire un autre 300 ans avec des fermes familiales, déterminantes pour la vitalité de nos campagnes.

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Pascal Hudon
Président de la FRAQ