Suite à l’exercice de consultation de la Commission de l’agriculture, des pêcheries, de l’énergie et des ressources naturelles (CAPERN) en mars dernier sur l’accaparement des terres agricoles, la FRAQ souhaite élargir la problématique sur l’accès aux terres de la relève agricole notamment. Un webinaire sur les impacts et les enjeux du phénomène a permis de clarifier certains aspects et d’orienter notre message. Par ailleurs, les administrateurs régionaux, en collaboration ou non avec leur fédération régionale, rencontrent actuellement un maximum de leurs députés pour sensibiliser à nouveau sur l’urgence d’agir.

Les principaux messages à retenir et à diffuser le plus largement possible sont les suivants :

Le véritable enjeu qui entoure la propriété des terres agricoles au Québec concerne la question de l’accès à la terre pour la relève et les entreprises en consolidation. Quel que soit le type d’accaparement ou de changement de vocation du territoire agricole, la relève, et donc la pérennité de l’agriculture, en sont impactées.


La terre arable, un bien très précieux

Une ressource limitée

La terre arable est un bien fragile peu ou pas reconvertible si elle est déstructurée ou détournée de sa vocation agricole.

Seulement 30 % de la zone agricole

Au Québec, la zone cultivée représente 1,9 Mha sur les 6,3 Mha protégés par la LPTAA.


Différents types d’accaparement

Avec un objectif spéculatif

  • Du monde financier : Partenaires agricoles S.E.C., AGRITERRA, PANGEA, SOLIFOR, HAIG…
  • Des promoteurs immobiliers et d’infrastructures
  • Des propriétaires agricoles

Avec d’autres objectifs

  • Des projets environnementaux et de loisirs
  • Des « gentlemen non farmers »


La relève, un joueur hors-jeu

Une barrière financière

  • La relève n’a pas les moyens de surenchérir et n’a pas intérêt à le faire : les valeurs dépassent largement le rendement agronomique de ces terres. En 20 ans, la valeur des terres agricoles au Québec a connu une hausse de 400 %.
  • Les transferts apparentés et non apparentés deviennent de plus en plus difficiles. Dans certains cas, le don de la part du cédant est déjà très élevé.
  • Pour les démarrages, la barrière est encore plus haute.

Une barrière physique

  • Certaines terres sont laissées à l’abandon volontairement en vue d’un dézonage ou à des fins patrimoniales, et perdent leur valeur agronomique.
  • Certaines terres ne sont pas valorisées, car trop petites ou non propices aux grandes cultures. Elles pourraient pourtant convenir à des producteurs maraîchers et fruitiers, ou pour le pâturage.

Une barrière entrepreneuriale

Le modèle proposé par les fonds d’investissement agricole tels que PANGEA rend le producteur employé/contractuel :

  • Partage des risques, mais pas de la plus-value sur les actifs
  • Dépendance envers un type de production et une société d’investissement à but lucratif

Et si demain le marché des céréales chutait? Et si le prix des terres stagnait?

accèsterres


Des solutions possibles

Registre des transactions de terres

  • Portrait détaillé du foncier agricole
  • Mécanisme de suivi des transactions

Mesure du 100 ha

  • Limitation de la superficie que toute personne ou entité peut acquérir en une année à des fins autres que le transfert intergénérationnel

Encadrement de la location

  • Durée minimale de la location (par exemple 9 ans)
  • Droit au renouvellement de la location
  • Priorité de rachat du locataire
  • Encadrement du loyer, indexation annuelle
  • Indemnité de sortie pour les améliorations apportées à la terre

Banque de terres

  • Initiative de la MRC Brome-Missisquoi reprise par plusieurs MRC
  • Jumeler des aspirants-agriculteurs avec des propriétaires fonciers selon des ententes sur mesure
  • Besoins financiers et humains (« marieuse »)
  • Nécessité d’une coordination provinciale

Terres non cultivées

  • Répertorier les terres en friche
  • Taxer les propriétaires de parcelles à potentiel agronomique non valorisées
  • Réglementer contre les friches

Repenser l’établissement : vers un FIRA modifié

Une version de l’actuel Fonds d’investissement pour la relève agricole plus aboutie

Un partenariat public/privé à vocation sociale : régénérer l’agriculture

  • Mandat gouvernemental fort
  • Des produits encore plus intéressants pour la relève :
    • Prêt subordonné : congé d’intérêt non reporté
    • Achat-location de terres : partage de la plus-value lors du rachat de la terre par le locataire / taux de location inférieur au prix du marché
  • Une avenue intéressante pour le cédant :
    • Accès à une banque de relève formée : via les écoles dans le cadre d’un programme de stage ou de mentorat
    • Avantage fiscal pour le vendeur lors de la période de stage/mentorat
  • Lien avec Banque de terres et les MRC

Plusieurs solutions pertinentes et réalisables existent. Elles dépendent surtout d’une réelle volonté politique tournée vers l’action. C’est un enjeu de société stratégique majeur, le monde agricole et la population québécoise doivent tirer la sonnette d’alarme. Demain, il sera trop tard.

 

 

Magali Delomier
Directrice générale de la FRAQ