Lettre ouverte publiée dans le Reflet du Témiscamingue – 28 juillet 2015

La fin du mois de juillet cogne déjà à nos portes! Pour certains, c’est l’heure des vacances ou le retour au travail. Pour d’autres… Eh bien! C’est le temps des foins. Avec les nombreuses fermes installées sur le territoire de l’Abitibi-Témiscamingue, il est normal de croiser un tracteur ici et là sur les routes. C’est parfois frustrant, mais, selon moi, en ce moment, il y a bien pire que de suivre l’une de ces machines, le temps de quelques secondes…

Depuis quelques mois déjà, différents médias parlent de la gestion de l’offre et de l’accord de libre-échange du Partenariat transpacifique (PTP) dans lequel le Canada est impliqué. Tout ça semble tellement loin de nous! Malgré les nombreux articles et toute l’information qui circule, je suis déçue de voir à quel point peu de gens sont interpellés par cet accord si inquiétant pour notre pays, notre province, mais aussi pour l’avenir de NOTRE région.

Brièvement, la gestion de l’offre est le moyen par lequel les producteurs de lait, de poulets, de dindons, d’œufs de consommation et d’incubation d’ici ajustent leur production afin de répondre aux besoins des consommateurs. Ils ne produisent que les quantités nécessaires, sans surplus. Ce système est protégé afin d’éviter que de la concurrence en provenance des autres pays, celle qui est subventionnée ou qui jouit de meilleures conditions climatiques et de règles moins sévères que nous, puisse venir envahir notre marché. C’est grâce à ce système que les producteurs peuvent offrir des produits de grande qualité en assurant leurs coûts de production, sans aucune subvention gouvernementale, pour offrir des produits équitables aux gens d’ici. Sans cette gestion de l’offre, il deviendrait difficile pour nos producteurs de produire et de survivre. Dépenser 4$ pour en gagner 1,50$, c’est de la pure folie.

En 2000, l’Australie a déréglé son secteur laitier. Depuis, le prix du lait aux consommateurs a augmenté de 36% alors que les revenus aux producteurs ont diminué de 23%. Répercussion : ce pays a perdu 51% de ses fermes laitières.

Juste comme ça : Les Producteurs de lait du Québec, c’est 22 050 emplois sur les 5 856 fermes laitières du Québec. Au Québec, l’industrie laitière, c’est 82 661 emplois directs, indirects et induits. À titre comparatif, Hydro-Québec, c’est 20 243 emplois. Mais saviez-vous que l’ensemble des productions sous gestion de l’offre, au Québec, c’est 6 920 fermes familiales, 8,2 milliards de dollars en contribution au PIB et 92 000 emplois directs et indirects à travers la province? Wow 92 000 emplois! Incroyable! Mais ce qui est encore plus incroyable, c’est que tout ceci est mis en danger par un accord de libre-échange qui se discute actuellement sous nos yeux, mais qui nous semble tellement banal… Il faudrait éviter de faire rimer banalité avec fatalité.

Ainsi, la négociation de libre-échange du Partenariat transpacifique (PTP), dans laquelle siège le Canada avec 11 autres pays, pourrait bien être fatale pour l’avenir de la gestion de l’offre, de notre agriculture québécoise ainsi que l’avenir de milliers d’emplois occupés par des gens d’ici. Les pressions exercées par les États-Unis, l’Australie et la Nouvelle-Zélande afin que le Canada ouvre ses marchés agricoles pourraient mettre en péril ce mécanisme.

Maintenant que ceci est dit, comprenez-vous mes inquiétudes quant aux enjeux qui se déroulent en ce moment dans notre province, mais également en ce qui concerne les répercussions que tout cela aura dans notre région?

L’agriculture en Abitibi-Témiscamingue, c’est près de 600 entreprises familiales qui génèrent plus de 2 000 emplois directs. Notre industrie laitière, sous la gestion de l’offre, c’est 142 entreprises et 39 607 819$ de revenus. Et qui ne sait pas que notre économie régionale ne peut se permettre de perdre ces emplois? Pensez-y! Le Témiscamingue se vide. Il faut se dynamiser! En tant que relève agricole passionnée et fière de son coin, je me battrai pour l’avenir de notre agriculture, des générations futures ainsi que pour notre magnifique région. Quel avenir voulons-nous pour notre agriculture au Témiscamingue? On est fier de notre chez nous, de nos producteurs et de nos produits locaux. Montrons-le et défendons-nous!

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Carole-Ann Poudrier, étudiante en production animale et administratrice pour l’Abitibi-Témiscamingue à la Fédération de la relève agricole du Québec