Jeunesse ne veut pas toujours dire manque de clairvoyance

Nous le savons tous, parler de relève agricole fait toujours bonne impression. À vrai dire, nous bénéficions d’un réel capital de sympathie de la part des citoyens québécois. Sûrement parce que nous sommes considérés comme des passionnés, garants de l’avenir de l’agriculture québécoise… ce que nous sommes. C’est une grande chance et une fierté, mais ça l’est bien moins quand on se sert de nous pour faire passer des messages, comme remettre en question notre affiliation avec l’UPA ou bien nos outils de mise en marché collective.

Le mois dernier, j’ai donné une entrevue à une publication agricole, dont je tairai le nom. Ce fut ma première expérience avec celle-ci et certainement la dernière. Alors que je pensais avoir bien exposé mes messages pendant plus de 15 minutes, je fus très déçu et même offensé du résultat : le journaliste n’avait retenu qu’une seule phrase et en avait fait dévier le sens! Il avançait que la FRAQ serait prête à travailler avec un autre syndicat que l’UPA, soit le Conseil des entrepreneurs agricoles ou l’Union paysanne. Euh… pas vraiment! J’avais simplement mentionné que ce serait à l’assemblée générale annuelle des membres de décider avec qui notre Fédération devait s’affilier.

Rappelons que nous travaillons avec l’UPA depuis maintenant 33 ans et je ne vois pas pourquoi nous devrions rompre ce partenariat. Notre Union a permis la construction d’un modèle d’agriculture diversifiée qui nous habille aujourd’hui, supporté par des lois fortes et motrices de nos économies régionales. Il en aura fallu des batailles et des producteurs convaincus pour y parvenir. Aujourd’hui, l’Union n’est pas seulement le berceau de notre avenir, mais c’est aussi le support pour continuer à garantir cet avenir, à travers le cheminement de nouveaux leaders notamment. Une forme de compagnonnage essentielle au développement de notre organisation et à la poursuite de la défense de nos valeurs. Manquerions-nous à ce point de clairvoyance? Non, chers membres, nous ne sommes pas en prospection pour changer de centrale syndicale…

Il ne faudrait pas non plus infantiliser ou décrédibiliser la relève, sous prétexte de manque d’expérience. Oui, nous sommes pour beaucoup sur des fermes familiales, ayant des liens forts avec nos parents ou aînés. Je travaille moi-même en partenariat avec mon père, mais je pense prendre entièrement part aux décisions et choix de gestion de mon entreprise, tout comme je suis responsable de ma famille et de mes trois enfants. Nous sommes un réseau de jeunes entrepreneurs formés et engagés, pour certains en affaire depuis plusieurs années, pour d’autres en voie de devenir des entrepreneurs ferrés. Nous méritons d’être considérés comme toute autre organisation qui contribue à l’économie québécoise. Dans la valeur de nos messages, et dans notre lecture des enjeux.

Quand nous entendons le ministre de l’Agriculture déclarer dernièrement qu’il fallait faire le ménage dans les nombreux programmes d’aide à la relève, nous restons perplexes. Encore une fois, manquerions-nous à ce point de jugement? Après l’abolition de la Politique jeunesse en 2013, il ne reste aujourd’hui qu’un seul et unique programme public de soutien à la relève : les primes à l’établissement de La Financière agricole. Vous pouvez constater que ce n’est pas trop mélangeant.

Ne sous-estimons pas la lucidité de la prochaine génération d’entrepreneurs agricoles, tout comme la force et la crédibilité de notre organisation qui les représente. Nous réitérons notre volonté de travailler avec les instances gouvernementales pour faire avancer la question de l’établissement agricole. Nous œuvrons présentement, en collaboration avec les fédérations spécialisées, à produire une analyse multisectorielle des enjeux de la relève agricole, qui sera remise au ministre à l’automne prochain.

Un été chargé nous attend, et je vous en souhaite un propice aux récoltes. Bon été à tous!

Pascal
Pascal Hudon
Président