Le contexte économique agricole actuel est un mélange d’incertitudes, de hausses de coûts d’intrants, mais aussi de hausses de valeurs de vente dans certains domaines. Le tout fait difficilement du sens lorsqu’on regarde l’ensemble en un bloc. Voici une entrevue avec M. André Picard de septembre dernier qui pourra peut-être aider à tirer un regard sur le contexte actuel.
Entrevue avec M. André Picard
Vice-président au financement
La Financière agricole du Québec
La pandémie a occasionné de l’incertitude pour les entrepreneurs agricoles quant à leurs projets de croissance. Dites-nous quels effets réels la pandémie a eus à court terme?
Malgré des craintes fondées, le contexte économique s’est avéré plutôt favorable au secteur agricole au début de la pandémie et dans les mois qui ont suivi. On observait que les taux d’intérêt demeuraient très bas. De même, le coût du pétrole et des intrants était propice aux entreprises. Celles qui étaient en bonne situation financière pouvaient aisément maintenir leur rythme. Même que le contexte a apporté son lot d’avantages aux agriculteurs. Pensons notamment à l’engouement pour l’achat local, qui a accru la demande pour les produits de la ferme. On observait peu d’entreprises en retard de paiement. Les citoyens comme les entreprises ont d’ailleurs eu accès à des mesures d’urgence ou à des compensations financières en début de pandémie.
À La Financière agricole, en plus des mesures spécifiques au contexte, nous avons mis en place le Programme Investissement Croissance pour stimuler les investissements qui comprend un volet Jeunes entrepreneurs.
Quelle est la situation actuelle?
Rappelons-nous le début de l’année 2022. La guerre en Ukraine éclate. Plusieurs conséquences s’enchaînent par la suite. Mentionnons la hausse importante du prix des intrants et celle, fulgurante, du prix des produits pétroliers. Alors qu’il y avait beaucoup d’argent en circulation et que la consommation générale était élevée, l’inflation a monté en flèche. Le remède classique contre l’inflation étant la hausse des taux d’intérêt, les banques centrales ont réagi en augmentant les taux directeurs. L’une des conséquences est que les entreprises sont frappés par l’augmentation de leurs coûts d’exploitation.
Dans ce contexte-ci, comment maintenir une saine gestion de son entreprise?
L’une des clés de la réussite pour l’entrepreneur, en tout temps, est de demeurer à l’affût de l’information et du contexte, de connaître la position de son entreprise dans son secteur d’activité. Parmi les comparables, elle doit savoir où elle se situe quant à son taux d’endettement et à son efficacité. Est-elle compétitive ou en rattrapage? Quelles sont ses forces? Quels sont les éléments à améliorer?
Vos conseillers sont-ils des alliés dans ce contexte en mouvance?
Le contexte actuel offre aux entrepreneurs une occasion privilégiée de tirer le maximum du rôle-conseil de nos conseillers. Ont-ils des questions? Si oui, nous sommes disponibles pour offrir des éclairages. D’autant plus que nos conseillers ont une vue d’ensemble sur l’économie d’ici et d’ailleurs, de même que sur les enjeux du secteur agricole.
Est-ce une bonne période pour investir?
Savoir quel moment est le bon ou le mauvais pour investir dans son entreprise demande réflexion et analyse C’est une évaluation qui doit être faite au cas par cas. Il y a toujours lieu de réviser ses priorités d’investissement lorsqu’on hésite. On doit aussi faire des analyses de sensibilité.
Pour les gestionnaires qui décident d’aller de l’avant dans leurs investissements, nos programmes demeurent avantageux. Outre le Programme Investissement Croissance Durable, je pense notamment à la garantie de prêt Développement, pour les dossiers à risque plus élevé. Cette nouvelle garantie vise plus particulièrement des projets de démarrage et d’expansion, des entreprises dans des secteurs émergents ou des entreprises ayant peu de liquidités.
Je pense aussi bien sûr au Programme d’appui financier à la relève agricole, bien connu, qui propose aux jeunes diplômés des aides financières allant de 10 000 $ à 50 000 $.
Offrez-vous une protection contre la hausse des taux d’intérêt?
Oui. À la base, nos garanties de prêt permettent d’obtenir un taux d’intérêt très avantageux auprès des institutions financières partenaires de La Financière agricole. Pour ceux qui veulent investir dans la croissance de leur entreprise, nous avons prévu une protection au cas où surviendrait une hausse majeure des taux d’intérêt, comme actuellement. Il s’agit du Programme de protection contre la hausse des taux d’intérêt. Il est offert aux producteurs qui ont des garanties de prêt avec nous et qui pratiquent l’agriculture à temps plein ou à temps partiel.
Dans une conjoncture économique comme celle-ci, vos conseillers analysent-ils différemment les projets d’affaires qui leur sont soumis?
Non. Notre approche est la même : elle est fondée sur la rigueur et l’objectivité. Nos analyses continuent à se faire dans une perspective de viabilité financière et de financement responsable. Nos conseillers travaillent de concert avec les entrepreneurs pour bien cibler leurs besoins. Ils explorent toutes les dimensions d’un projet et les options de financement qui s’offrent aux entrepreneurs. Les projets sont analysés dans leur contexte, et nos décisions de crédit demeurent basées sur les mêmes critères financiers ou de risques d’entreprise.
Alors, les perspectives sont-elles bonnes?
Selon les prévisions économiques des institutions financières, les taux d’intérêt devraient se stabiliser en 2024. De fait, leur hausse vise à combattre l’inflation et non à nuire aux entreprises. Ça peut être intéressant de garder à l’esprit cette information et de demeurer ainsi optimiste.
Bien que la prudence soit de mise et qu’il deviendra de plus en plus judicieux de se montrer sélectif dans le choix des investissements, les opportunités seront toujours là!
Pour d’autres pistes sur les clés du financement, voyez un précédent article signé par André Picard.